La relance à la Sarkozy - les Echos - 30/06/09
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La relance à la Sarkozy - les Echos - 30/06/09
La relance à la Sarkozy
par JEAN-MARC VITTORI
édition du 30/06/09
Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire d'emprunt ? Depuis le discours princier de Nicolas Sarkozy à Versailles, le sort du pays semble suspendu au grand emprunt qui sera lancé à l'automne. Pourtant, l'Etat ne cesse d'emprunter des sommes colossales. En ce mois de juin, il a par exemple émis plus de 17 milliards d'euros d'obligations et 39 milliards de papier à plus court terme pour boucher ses trous de trésorerie. Sans le moindre discours élyséen ou au moins matignonesque ou à la rigueur bercyen. Sur l'ensemble de l'année, il prévoit de réclamer 155 milliards à ses prêteurs et montera sans doute jusqu'à 200 milliards. L'information, ce n'est pas l'emprunt.
Serait-ce, alors, l'emprunt populaire ? Ce n'est pas exactement ce qu'a dit Nicolas Sarkozy (« Nous le ferons soit auprès des Français, soit sur les marchés financiers »). Mais son Premier ministre a précisé sa pensée (« Notre idée, c'est de solliciter les Français, en tout cas pour une part »). Une partie de l'argent sollicité par l'Etat viendra donc de la poche des particuliers, pour la première fois depuis l'emprunt Balladur de 1993. Cette information-là relève du politique plus que de l'économique. L'emprunt « populaire », c'est une façon de marquer la gravité des temps, de mobiliser les citoyens comme pendant la guerre de 14-18, avec des affiches passées depuis dans nos livres d'histoire (« Pour la France, versez votre or... »). Sauf que l'Etat n'avait pas le choix pendant la Grande Guerre. Les marchés financiers étaient rabougris et les étrangers peu prêteurs. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'argent sur les marchés.
Aller chercher de l'argent auprès des particuliers, c'est donc un choix politique - et dispendieux. Cela coûte beaucoup plus cher de débiter des tranches de 1.000 euros à des millions de particuliers que de vendre un bloc de plusieurs milliards à quelques grandes institutions financières. Il faut de plus leur offrir un taux d'intérêt plus élevé, ne serait-ce que pour compenser la fiscalité plus lourde sur les obligations que sur d'autres produits financiers. Enfin, les derniers grands emprunts « populaires » se sont traduits par une facture pour l'Etat bien plus élevée que prévu - le Balladur 1993, mais aussi le Giscard 1973 ou le Pinay 1953.
L'information économique est ailleurs : en temps de crise, l'Etat va lever beaucoup d'argent pour des dépenses supplémentaires qui soutiendront l'activité. Quoi qu'en dise le Premier ministre, c'est la définition exacte d'un plan de relance. Sous la fumée de l'emprunt, la France retombe donc dans la grande tradition de la relance, celle qui a plombé ses comptes publics sans jamais parvenir à lui donner en échange un meilleur avenir. Elle se tourne aussi vers une vieille lubie. L'idée d'un grand plan pour préparer des jours meilleurs était au coeur du programme bâti au début des années 1990 pour Charles Pasqua, quand celui-ci songeait à se lancer dans la course à l'élection présidentielle. Un programme pensé par un certain Henri Guaino, devenu depuis conseiller à l'Elysée.
On aura l'occasion de revenir sur le plan de relance et sur les dépenses inutiles que Nicolas Sarkozy entend supprimer, quand le gouvernement précisera leurs contours. En attendant, le plus impressionnant dans cette histoire est la puissance du verbe présidentiel. Le président parle emprunt et le débat se focalise sur l'emprunt. Le président parle bonne et mauvaise dette et on se précipite aussitôt dans le tri du bon grain et de l'ivraie. Il parle réformes et le pays croit que les réformes avancent. Cette prééminence de la parole est constatée jusque dans « Le Figaro », où Alain-Gérard Slama estime que le chef de l'Etat « est surtout le grand communicateur ». Pourtant, même dans la société de l'information, la communication ne suffit pas. Il faut aussi de l'action. Des décisions. Nicolas Sarkozy prend certes beaucoup de décisions. Mais nombre d'entre elles sont si mini qu'elles relèvent plutôt des ministres. Et les grands chantiers vont rarement jusqu'au bout, comme par exemple la réforme de l'université, de l'hôpital ou des régimes spéciaux. Quand l'art de la politique se limite au magistère de la parole, l'impuissance devient l'horizon naturel. Et l'emprunt n'incarne pas un choix pour l'avenir, mais au contraire l'incapacité de faire des choix.
source : http://www.lesechos.fr/info/france/4881232-la-relance-a-la-sarkozy.htm
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